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Un simple retour aux sources

De manière viscérale, ma mère sera transportée ailleurs dès qu’elle entendra résonner les trois cordes du guembri, principal instrument utilisé par la musique Gnawa de mon pays d’origine, le Maroc. Aucune raison ne pourra contrôler toute l’énergie qui l’habite à s’abreuver de ce son qui a bercé son enfance, sur lequel elle a vu ses ancêtres rentrer en transe, qui elle-même, est rentrée en transe. Rien n’est plus fort que cet appel aux sources.

Je crois, en toute humilité, que l’une des choses qui a contribué à mon émancipation et à ma décolonisation demeure et demeurera cet instant où j’ai décidé d’attacher la corde de mon existence à ce qu’il me reste d’héritage ancestral. Ça a été ma bouée de sauvetage.

La sociologie observe depuis plusieurs décennies maintenant un réel attrait vers des questionnements liés à la quête identitaire, à la redécouverte de la spiritualité et à cet incontrôlable besoin de se reconnecter avec la nature. Et il n’y a pas un peuple qui s’est modernisé sur cette planète qui échappe à ce retour. Quand on appartient à une diaspora ou à un pays qui a été moult fois envahi, le défi est encore plus gros, à mon avis. Car, peu d’histoire sur notre passé ancestral a survécu aux gros flux migratoires.

Je définis le retour aux sources comme un acte logique de réappropriation de nos narratives historiques et anthropologiques à des fins de réparation et de guérison. Cet acte est d’autant plus hautement symbolique chez les groupes sociaux qui ont été opprimés. Femmes, population LGBTQ+ et BIPOC (Black, Indigenious, people of color) [autrement dit en français, les personnes racisées]. C’est une énergie si forte qu’elle guidera tous tes choix de vie.

Ce silence sur notre passé lointain

Quand on est issu de l’immigration, notamment de pays qui ont été colonisés et asservis, on a peu de connaissances sur l’histoire ancestrale de notre terre d’origine. On se contente souvent de bribes d’anecdotes racontées de manière éparses par nos parents qui ont traversé le temps et les époques. J’ai toujours su de mon père que sa famille avait un héritage chérifien et des ancêtres esclaves sahéliens. Et de ma mère, une génération de femmes qui ont utilisé les croyances paganistes et la médecine par les plantes. C’est à peu près tout.

Je suis sûre que le cas de ma famille n’est pas isolé, que tu sois afro-descendant.e, que tes parents se soient déplacés en boat-people ou qu’on est arraché ton peuple de sa communauté pour l’enfermer dans des pensionnats. Le territoire de mes aïeuls, l’Afrique du Nord, a été le plus souvent un lieu d’invasion conquis par les autres. Les livres d’histoire écrits par les colonisateurs présentent nos pays d’origine comme une terre à « sauvages », « primitive » « dépourvue de culture écrite » pour reprendre les mots de Leïla Babès. » Finalement, comme si rien n’avait été possible avant qu’ils nous imposent ce qu’ils appellent leur civilisation.

Ainsi, une grosse partie de ton passé lointain manque toujours à l’appel.

Renouer avec nos traditions ancestrales

Donc nous voilà, petits enfants de peuples dominés que nous sommes, nous avons été condamnés à nous contenter de l’Histoire d’autrui, de ses pratiques culturelles et de sa religion. Mais pour combien de temps encore?

Renouer avec nos coutumes ancestrales nous permettra de faire la Paix avec la tyrannie de la domination dont la plupart de nos expériences négatives en résultent. Honorer la mémoire de nos anciens à notre manière et à la sauce 21e siècle. Parce qu’elle nous soigne en-dedans.

Pour moi :

  • Me tatouer les mêmes symboles Amazigh que mes grands-mères portaient sur le visage, ça me guérit 
  • Écouter de la musique gnawa ou Chaabi en buvant du thé à la menthe dans mon condo à Montréal, ça me guérit
  • Porter mes cheveux frisés qui font honneur à mon héritage noir, ça me guérit
  • Faire des recherches sur l’Afrique du Nord anté-islamique, ça me guérit 
  • Pratiquer des incantations, croire en la Lune, utiliser des herbes, des pierres et autres gri-gri pour me soigner, ça me guérit 
  • Croire au mauvais œil et aux Djinns (mauvais esprits), ça me guérit
  • Être attirée par les rituels de mes communautés sœurs comme le Vaudou haïtien, ça me guérit.

Tout ce que je peux récupérer de mes Ancêtres me guérit. Je ne veux plus être une coquille vide sans histoire, le peu qui nous reste pur et qui a pu conserver son authenticité parce que préserver par la culture orale, je veux me le réapproprier, je veux qu’il vive avec moi dans mon quotidien. Je veux le léguer à mes enfants, parce que mes parents se sont battus pour qu’il ne soit pas mis à la poubelle.

La quête de spiritualité, un besoin universel

La quête de spiritualité est un besoin bien présent chez les personnes non racisées et au statut privilégié, elles aussi privées d’un passé lointain de coutumes ancestrales mis sous silence par la religion monothéiste, notamment chrétienne. D’où l’engouement pour l’ésotérisme oriental, par exemple. Mais est-ce qu’on re-pose ici la question de l’appropriation culturelle? En toute sincérité et bienveillance maternelle, je pense qu’il est avenant de partager ces gestes et ces croyances si ils peuvent faire du bien à la personne, voir même lui sauver la vie. Quelqu’un en détresse qui a besoin de faire brûler un bâton de Palo Santo bolivien parce que ça l’aide à méditer, on doit dire « oui ».

Comment semer les petits cailloux pour retrouver le chemin salvateur de sa liberté d’être?

  1. Toute personne a le droit à sa souveraineté historique, il suffit juste de faire des recherches, de lire et de s’éduquer sur sa culture d’origine
  2. On peut s’accorder le droit de réhabiliter la spiritualité de nos coutumes ancestrales au dépend de la religion dominante
  3. Prendre le temps de s’approprier chacune de ces traditions et ne choisir que celles qui répondent à nos besoins, c’est valide aussi
  4. Partager avec les autres le bien apporté des traditions offertes fera honneur aux Anciens
  5. Et respecter les personnes dans son entourage qui ont ce besoin inexplicable et ostentatoire de montrer d’où elles viennent. Parce qu’elles en sont fières

Nous avons toustes le souvenir instinctif de nos histoires riches en croyances et en symboles. Elles vivent à l’intérieur de nous et nous en sommes fécond.es. Si nos identités sont complexes, on le doit à la rencontre de ce passé fort, enfoui et qui mérite qu’on lui accorde une place de choix dans nos vies. Ouvrez-lui la porte, partagez-le avec les autres, son héritage n’en sera plus que vivant.

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