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Des expériences de non-mixité saines et durables

À partir du moment où le processus d’émancipation est enclenché, la question de la non-mixité racialisée entre fxmmes trouve tout son sens et sa légitimité.

Avant de continuer à discuter, je tiens à préciser que ceci est une première réflexion sur le sujet. D’autres suivront pour approfondir l’intérêt intellectuel. Cette présentation est une compilation des opinions et des observations objectives que mes abonnées ont partagé avec moi. 

La non-mixité se définit comme cette volonté intracommunautaire qui vise à offrir des expériences exclusives entre personnes qui partagent les mêmes oppressions. 

Pour ma part, depuis que je pratique une spiritualité décolonisée, le besoin de non-mixité se fait encore plus sentir. Comme si la connexion avec mes Anciens, dans un processus de guérison et de réappropriation, doit se faire avec les Miennes.

Quand on pose la question à toute personne sans distinction raciale et sociale sur la pertinence de la non-mixité, toustes s’entendent pour dire que la nécessité de se réunir en comité restreint est super compréhensible. Il est sûr que les fxmmes blanches qui se sentent profondément alliées trouvent difficile leur exclusion, mais elles sont prêtes à l’accepter avec bienveillance. Pour le fxminisme décolonial, l’empowerment sera efficace s’il est porté en partie par le pouvoir de la sororité. C’est-à-dire, la solidarité entre sœurs. Ce support sera fait de manière sécuritaire sans avoir au dessus de la tête l’épée de Damoclès du jugement de la fxmme blanche.

Beaucoup de mes consœurs jugent que le féminisme blanc a fait ses preuves, et nombreuses se sentent trahies par ce mouvement de la première heure, qu’elles qualifient de déconnecté et élitiste. 

De ce fait, les fxmmes racisées expriment ce besoin de rassemblement exclusif pour ne pas à avoir à se soucier de la white fragility, essuyer des white tears (« Mais moi je suis une personne gentille… ») ou se faire invalider (gaslight) leurs expériences. Françoise Vergès, qui cite Gloria Wekker, faisait remarquer qu’ « il est pratiquement impossible de faire reconnaître à une Blanche qu’elle est blanche. Vous lui dites, et elle est bouleversée, agressive, horrifiée, pratiquement en larmes ». Il est vrai que prendre conscience que pendant plus de 500 ans des peuples ont été asservis, colonisés, humiliés et oppressés, et que c’est son peuple qui est à l’origine de ces plus grands crimes contre l’Humanité, c’est dur à avaler.

Mais là n’est pas la question pour l’instant.

La condition sine qua none pour un rassemblement en non-mixité, c’est que cela doit se faire de manière sécuritaire, surtout lorsqu’on parle de guérison.

Mais nous, fxmmes racisées sommes-nous si avenantes et si concernées par le bien-être de nos sœurs?

Des fois, non.

Certaines ont observé qu’il existait dans des groupes non-mixtes une reproduction de la répartition déséquilibrée des rapports de pouvoir. En somme, ces milieux continuent à faire perdurer des rapports hiérarchiques, au point de rendre légitimes ou pas les expériences de traumas qui sont partagées. Ce que j’aime appeler la hiérarchisation de la misère (« Moi j’ai souffert plus que toi, toi, tu as eu moins mal que moi »). Les oppressions ont été tellement puissantes qu’on en a intériorisé les pattern. On pourrait parler de la même choses concernant le racisme intériorisé.

Aussi, d’autres jugent que la non-mixité doit se faire par catégorie : région du monde, couleur de peau, confession religieuse ou histoire d’oppression. Ce qui est aussi intéressant et acceptable, surtout au début d’un processus de guérison. 

Enfin, il est très important que, dans ces rencontres non-mixtes (surtout quand il y a processus de healing), une psychothérapeute, une psychologue ou une travailleuse sociale racisée soit là pour soutenir en cas de besoin et de demande. On parle de safe-space, n’est-ce pas?

Donc la non-mixité entre fxmmes racisées, une nécessité. Le travail qui va en découler est primordial, il doit se faire sainement pour qu’il soit durable. Aussi, d’autres thèmes que la guérison peuvent être abordés en non-mixité : se rassembler pour manger, méditer ou danser sur des traditions culturelles qu’on veut préserver est tout aussi envisageable.

On s’en reparlera post-pandémie. En espérant que ça arrive vite. 

Merci aux fxmmes d’avoir partagé leurs témoignages avec moi et merci de me rejoindre sur Instagram Mayasanaa

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