Essoufflée. C’est ainsi que l’on sort de la lecture de Grosse écrit par Lynda Dion récemment publié.
Huit dessins réalisés par l’auteur au fusain, sans forcément qu’ils aient une valeur artistique, seront les huit chapitres du livre. Ils ont un sens, une cohérence, ils sont chronologiques.
Et là, l’auteur nous noie en nous tirant par les pieds vers le fond de l’eau, dans une écriture folle et affamée, sans ponctuation, sans bulle d’air pour respirer.
Elle est grosse et ça la tue. Elle ne le fait pas exprès, elle est née comme ça. Elle maltraite son corps, elle le violente, elle ne voit pas qu’il est colonisé. Colonisé par les diktats de beauté, les mêmes qui te font détester tes cheveux, les mêmes qui te font détester la couleur de ta peau, les mêmes qui te font détester ton nez, ton acné, le grain de ta peau et j’en passe.
La décolonisation de son corps est un processus de révolte et de crise qui se fait dans la violence. Lynda se découpe, se charcute, s’éviscère. Elle joue au boucher avec elle-même. Tout est excès pour oublier ce corps, la dépendance à l’alcool, le sexe ou les orgies de nourriture. On souhaiterait l’aider, on est fâché contre elle de son défaitisme, on peut la comprendre, on espère sincèrement qu’elle va s’en sortir.
Lynda Dion n’est pas une femme racisée. C’est une femme grosse qui a souffert d’une différence physique, mais sa douleur d’exclusion est universelle. À partir du moment où on a vécu un épisode d’exclusion à cause des attributs physiques ou qu’on ne se sent pas représentée, on se reconnait dans ce récit de vie. Toute femme qui lutte contre soi-même et son physique va trouver des mots dans l’ouvrage Grosse.
Ce livre est un vibrant témoignage, pas forcément facile à entendre certaines fois, mais nécessaire. Parce que finalement, il est salvateur et il permet de se réconcilier avec soi-même. À lire.